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11. Vacances

La discussion sans tabou d'un patient et d'un soignant

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docteurilfautquonparle-CarolineBee

Monique Kronik

Cher Doc, je voudrais justement vous entretenir d'un sujet éminemment sérieux : les vacances. C’est un thème épineux pour beaucoup de malades chroniques. Voilà donc l'été qui s'annonce avec son cortège de belles promesses : la plage ou la montagne, les randonnées ou le farniente au bord de l'eau, les apéros, un bon polar… Seulement voilà, quand on part en vacances, on n'emmène pas seulement avec soi son mari, sa femme et ses enfants, on s'en va avec sa maladie chronique. Pour elle, il n'y a pas de répit et elle s'invite à nos tablées d'amis sans y être conviée. Elle nous accompagne dans nos bagages, avec son cortège de médicaments et un flot de questions : ai-je assez de traitements ?
Et si je fais une rechute ? Y a-t-il un médecin là où je vais, ou une structure hospitalière qui pourrait m'accueillir en cas de pépin ? En ce qui me concerne, j'essaie de partir en m'organisant : une visite chez mon spécialiste avant les vacances avec une ordonnance renouvelable, des rendez-vous téléphoniques programmés, et une connaissance de l'écosystème de santé de mon lieu de vacances. Si je pars à l'étranger, je m'assure d’avoir assez de médicaments, et de les garder avec moi dans l'avion : les pertes de valises, ça n'arrive pas qu'aux autres ! Sur place, que ce soit en France ou à l'étranger, je mène une vie saine, avec une activité physique régulière et une alimentation adaptée. Pour nous les malades chroniques, le lâcher prise lié aux congés prend une saveur particulière : on voudrait la jouer « vacances soleil j'oublie tout », mais il y a une petite voix un peu cassante qui nous serine de temps en temps : tu es malade, fais attention. Je vous le dis Doc :
la peur et l'anxiété ne doivent pas s'inviter au menu. Et si on est bien préparé, il n'y a pas de raison de ne pas profiter. J'ai pourtant commis des erreurs de jeunesse. J'ai le souvenir d'un voyage en Allemagne, pays que j'affectionne particulièrement. Les splendides châteaux de Louis II de Bavière avec une amie, tout un alléchant programme ! Les lieux sont touristiques, par conséquent achalandés en médecins. C'était oublier notre esprit d'aventure,
qui nous a vite fait délaisser les grands axes pour les petites routes de montagne. Et là, 4 jours avant de repartir, patatras, plus de médicaments : je m'étais trompée d'une boîte. Nous trouvons difficilement une pharmacie, une Apotheke, où j’explique mon problème dans un mauvais anglais. Rien à faire, on ne pouvait me délivrer un traitement similaire. J’aurais dû insister pour aller consulter un médecin, mais j’ai abandonné : trop compliqué, la barrière de la langue, la flemme, aussi… J’ai fait le système D en prenant un demi-comprimé au lieu d’un entier pour qu’il m’en reste jusqu’à la fin du voyage. J’ai un autre souvenir beaucoup plus récent, puisqu’il date de l’été dernier. Me voilà en famille, avec un mauvais virus qui traîne et qu’on se repasse tous à tire-larigot, du petit-neveu à la grand-mère. Je tombe malade : toux, fatigue extrême, courbatures, fièvre élevée. Je m’en vais donc consulter le médecin du village. Après une bonne heure d’attente, je suis reçue par l’interne qui fait un stage dans ce cabinet. Elle m’examine, penche pour une suspicion de pneumopathie, puis me demande
si j’ai un traitement et des antécédents. Quand je lui énonce ma pharmacopée, elle ouvre de grands yeux, puis s’en va chercher la médecin en ayant ces mots : « on a une patiente, c’est du lourd, je vous préviens… ». Vous ne pouvez pas savoir à quel point cela m’a fait mal. « C’est du lourd », ça voulait dire quoi, au juste ? Que j’étais un poids encombrant, avec ma maladie chronique envahissante, reléguée au rang des patients « lourds », et qu’elle passait le relais au médecin, se sentant dépassée ? Partir en vacances, c’est aussi se heurter au regard de professionnels de santé auxquels on n’est pas habitué, c’est devoir prendre son traitement à heure fixe alors qu’on a envie de se prélasser dehors, c’est ne pas boire ce verre de rosé qui serait de trop, c’est la fatigue qui nous plombe alors qu’on aimerait faire plein de choses, c’est le spectre sombre de tous ces rendez-vous médicaux à la rentrée… En tout état de cause, je ne me laisse pas abattre, Doc. Je sais que je vais emmener ma maladie avec moi, et que mes vacances ne ressembleront pas tout à fait à celles des autres, mais j’en prends mon parti en me préparant, en ne préjugeant pas de mes forces et en expliquant bien à mon entourage que j’ai besoin de repos et de calme. Et vous Doc,
auriez-vous des conseils à donner aux malades chroniques qui partent en vacances, en France ou à l’étranger ? Vous a-t-on rapporté des situations similaires à ce que je décris ?

 

À suivre… prochain épisode jeudi 15 mai !!!

docteurilfautquonparle par Caroline Bee et Patrick Papazian

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