1. Chronique
La discussion sans tabou d'un patient et d'un soignant
Publié par Caroline Bee et Patrick Papazian

Monique Kronik
Bonjour Doc Madrigal, je m’appelle Monique Kronik et j’aimerais vous interpeller et m’entretenir avec vous. Les médecins et les patients ne se parlent pas assez, vous n’êtes pas d’accord ? Moi, je suis atteinte d’une pathologie chronique depuis trente ans et des médecins j’en ai vus, croyez-moi. Des grands, des maigres, des barbus, des bedonnants, des hautains, des sympas… Mais j’aurais aimé à plusieurs occasions avoir plus de dialogue, me sentir mieux entendue, mieux écoutée. Parfois, on n’ose pas poser de questions
à son médecin, on se sent petit et inapte à avoir voix au chapitre, relégué à notre rang de patient qui patiente. Saviez-vous d’ailleurs que le terme « patient » vient du latin « patior », qui signifie
« supporter, endurer, souffrir » ?
Nous sommes 20 millions à souffrir d’une maladie chronique en France, et on ne nous entend pas souvent, je trouve, même si les choses évoluent dans le bon sens depuis une grosse vingtaine d’années. Les définitions officielles des maladies chroniques diffèrent mais on peut essayer d’en dégager les contours et les invariants : « ce sont des affections de longue durée qui, en règle générale, évoluent lentement et qui ont un impact sur la vie sociale, professionnelle et intime du sujet. » Elles comprennent les maladies cardiovasculaires, les cancers, les affections respiratoires, les pathologies psychiatriques, le diabète et bien d’autres… On peut trouver des informations pratiques intéressantes sur le site Ameli[1]. Elles sont responsables de 63 % des décès.
Moi, je suis atteinte d’un trouble anxio-dépressif majeur et d’une pathologie cardiaque. Je parlerai ici plutôt en tant que patiente en santé mentale. Je ne veux surtout pas m’exprimer à la place des patients chroniques, mais je crois que nous partageons beaucoup de points communs. Ma maladie m’accompagne depuis ma vie de jeune adulte jusqu’à aujourd’hui (j’ai 53 ans), avec des périodes de rémission et de rechutes qui font de ma vie un parcours en dents de scie, avec des précipices qui me font à chaque fois redémarrer de zéro, de l’espoir, du découragement, des vertiges de doutes et de questions. Évidemment, tout le monde a ses hauts et ses bas, mais la maladie chronique est une compagne bien envahissante. Elle n’est jamais très loin de moi et se manifeste intempestivement de façon désagréable, subite, et subie. Je dois vivre avec et c’est tout le concept du rétablissement : vivre avec ses symptômes. Les hasards de la vie et mes activités professionnelles m’ont conduite à rencontrer beaucoup de patients chroniques et la plupart disent la même chose : on ne parle pas assez avec les médecins et nous sommes invisibilisés par la société. J’aimerais débattre sans langue de bois avec vous de tout un tas de sujets qui me viennent dans le désordre : la vie avec la maladie, les conseils pratiques, la vie intime, la relation médecin-patient, les patients experts, les aidants, les inégalités, les problèmes au travail, les vacances avec une maladie, les progrès, l’avenir, la charge mentale du médecin, l’annonce du diagnostic, la fin de vie, la façon de gagner en visibilité, grâce par exemple à la force et l’énergie des nombreuses associations d’usagers existantes. Il y a tant de choses qu’on n’ose pas aborder avec son médecin… Êtes-vous d’accord pour entamer cette discussion et que pensez-vous de tout cela ?
1 https://www.ameli.fr/paris/assure/droits-demarches/affection-longue-duree-maladie-chronique/affectionlongue- duree-maladie-chronique/ald-maladies-chroniques-aides-humaines-materielles